dimanche 14 août 2016

Von Bek

Auteur : Michael MOORCOCK
Editeur : L'Atalante
Collection : La dentelle du cygne
Parution :  Janvier 2002
Nombre de pages : 672




J'avais acquis une certaine renommée et gagné un surnom dont on usait parfois : « Krieghund. » On me disait né pour la guerre...
1631 ; l'Allemagne est à feu et à sang. Au lendemain du sac de Magdebourg, le Graf Ulrich von Bek, capitaine de mercenaires, abandonne ses hommes pour se réfugier dans la forêt de Thuringe. C'est là qu'un pacte va sceller le destin du « Chien de guerre », un pacte diabolique puisque Lucifer en est l'artisan. Pour le salut de celle qu'il aime et celui d'un monde que déchire la folie sanguinaire. Un pacte qui traversera les siècles et les générations...
1794 ; le Ritter Manfred von Bek, ex-capitaine dans l'armée de Washington puis député de la Commune en France, fuyant la Terreur révolutionnaire, traverse l'Europe sur les traces de Libussa de Crète dont il est amoureux, jusqu'au Mirenbourg de la Mittelmarch, la Cité des étoiles d'automne où la Grande Conjonction des astres annonce une ère nouvelle aux alchimistes initiés.
Faites œuvre du diable : telle est désormais la devise des von Bek. Romans d'aventures picaresques, romans philosophiques et de fantasy, la saga VON BEK appartient à la veine la plus brillante de Michael Moorcock.





Ce que j'en ai pensé





Malgré la couverture peu attirante, j'ai quand même tenté la lecture de ce gros pavé, en me fiant au nom de l'auteur, que je n'avais jamais lu, mais dont je connaissais la réputation de Grand de la fantasy.

Et bien m'en a pris ! Car je viens de faire une grande découverte ! Et je suis tombée en amour pour cet auteur !

Ce volume est une intégrale, qui comprend deux tomes sur trois de la série Le Pacte de Von Bek.

Le 1er tome, Le Chien de Guerre et la Douleur du Monde, est une sorte de "geste" médiévale, une quête initiatique, inspirée de documents de la période de la renaissance allemande.

Le héros, le « chien de guerre », est Ulrich von Bek. C'est un soldat, un Capitaine, qui erre dans un univers à peine sortant du Moyen Âge, dans lequel les cités sont frappées par des maladies terribles, qui effraient plus que la violence de la guerre. Dans cette Allemagne médiévale, les soldats étaient des mercenaires qui se vendaient à tel ou tel seigneur, au gré de leurs contrats. Au début du roman, qui se déroule en 1631, peu après la prise violente de la ville de Magdebourg, Von Bek, désabusé, sans doute lassé des massacres et des tueries, décide soudain d'abandonner ses hommes à leur sort et s'enfonce seul dans les profondeurs des forêts de Thuringe.

Il va arriver dans un étonnant château, désert mais qui n'a pas l'air abandonné, au cœur d'un endroit étrangement silencieux, une  « enclave du globe encore vierge du peuplement de Dieu ». Après plusieurs semaines, une femme arrive au château. Von Bek en tombe presque aussitôt éperdument amoureux et bien qu'elle lui rende cet amour, elle lui dit qu'elle n'est pas libre de ses mouvements et lui parle tout le temps d'un mystérieux Maître, que lui-même est appelé à rencontrer, apparemment.
Il apparaît vite évident que ce Maître est Satan en personne, et quand Von Bek le rencontre enfin, il lui propose un étrange pacte : lui rendre son âme (car il est déjà damné depuis longtemps, étant donné les actes qu'il a commis au cours des guerres) à condition qu'il recherche le Graal pour lui. Car le diable veut offrir le Graal à Dieu pour obtenir Son pardon et regagner sa place au Paradis. Et pour cela, il a besoin d'un agent sur la terre des hommes pour agir en voyageant de celles-ci à un univers de terres alternatives. Des lieux particuliers, des "passages", permettent de transiter sans avoir l'impression d'être passé du monde réel au monde merveilleux.
Pour l'aider dans sa quête, le diable donne à Von Bek des cartes qui lui indiquent les emplacements de ces "passages".

Ayant obtenu la promesse que l'âme de sa dulcinée sera elle aussi libérée s'il lui ramène le Graal, Von Bek se met en route.


J'ai vraiment adoré cette histoire ! Ce côté quête médiévale, chasse au trésor, presque, où chaque indication amène à l'étape suivante, mélangée à de la fantasy, du merveilleux, puisque le héros parcourt des contrées étranges, et évolue dans une sorte d'univers parallèle coexistant avec le nôtre. D'ailleurs, ce thème de mondes superposés au nôtre mais séparés par des "passages" magiques et inaccessibles pour le commun des mortels, assez courant dans la fantasy, a toujours été un de mes préférés et m'a toujours fascinée.

L'auteur présente ce roman comme étant un document authentique, la confession de Von Bek, dictée avant de mourir à un moine. De ce fait, le style, qui reproduit le style du XVIIe siècle, est très lyrique, très poétique, mais jamais pompeux, et reste tout à fait abordable, tout en immergeant complètement le lecteur dans cette époque aussi riche que violente. C'est cette plume qui m'a le plus marquée et enchantée, au-delà de l'histoire elle-même. Il y a peu d'auteurs qui m'ont fait un tel effet ! J'ai même du mal à trouver les mots pour exprimer ce que j'ai ressenti. Il y a des passages d'une poésie sublime, et je n'espère qu'une chose, c'est que le reste de son oeuvre soit de ce niveau-là (car je vais bien sûr lire ses autres écrits, cela va de soi).

Les personnages sont assez stéréotypés, tout en étant bien campés et intéressants.
Von Bek incarne le héros, le champion éternel, et l'auteur réussi à nous le rendre sympathique alors que son récit est assez détaché, presque comme s'il était spectateur et non acteur ce ses aventures.

Son ami Sedenko, qui incarne le brave soldat et le compagnon fidèle qui suit le héros où qu'il aille et quoi qu'il arrive, est très attachant de par sa fidélité, justement, et son innocence (innocence qui se perd au fur et à mesure du récit).

Et bien sûr, il y a le méchant, Klosterheim, qui se révolte contre Satan et veut à tout prix empêcher Von Bek de trouver le Graal.

S'il y a de l'action et des rebondissements, il y a aussi pas mal de réflexions métaphysiques sur des questions importantes comme le libre arbitre des humains ou la prédestination divine, ce qui rend ce roman bien plus riche qu'une simple quête initiatique traditionnelle.


La 2e partie, La Cité des étoiles d'automnes, se présente également comme un document authentique, une sorte de journal tenu par Manfred Von Bek, le descendant d'Ulrich.

Le récit commence en 1794, et comme son ancêtre, Manfred est un soldat, qui a embrassé les idéaux révolutionnaires et s'est retrouvé député de la Commune en France.
Mais la Révolution s'étant transformée en Terreur, il est obligé de fuir la France, poursuivi par Montsorbier, un fidèle de Robespierre, mais qui est en réalité un allié de l'immortel Klosterheim. Arrivé en Suisse, il rencontre une femme dont il tombe tout de suite éperdument et irrémédiablement amoureux, comme jadis son ancêtre : Libussa, qui se dit duchesse de Crète. 

Ayant perdu la trace de cette belle jeune femme, dont il a découvert qu'elle est alchimiste, il part à sa recherche, traversant l'Europe, voyageant de Prague à Vienne, et le destin de sa famille finit par le rattraper à Mirenbourg, cité fabuleuse et sans pareille en plein cœur de cette Marche du Milieu (les terres "parallèles") qu'avait déjà visité son aïeul Ulrich von Bek et où se réunissent tous les alchimistes, dans l'attente de la très mystérieuse "concordance" astronomique, puisque lui aussi rencontrera Lucifer. Manfred, qui est très rationnel, admire les philosophes des Lumières et ne croit pas au surnaturel (du moins jusqu'à ce qu'il ne puisse plus faire autrement), doit mener l'enquête pour retrouver à son tour le Graal dans cette ville aux confins du monde tangible, secouru par des alliés étonnants tel que cet élégant Écossais répondant au nom de Saint-Odhran et sa très moderne montgolfière.


Ce second volet commence comme un roman de cape et d'épée, et j'ai d'ailleurs souvent pensé à Alexandre Dumas, en lisant cette aventure, mais devient rapidement un périple initiatique aux limites de la folie.

Mais même s'il y a plus de rebondissements et d'action que dans la première partie, si l'imagination de l'auteur nous procure autant de plaisir, et s'il y a toujours des passages d'une intense beauté, j'ai trouvé qu'il y avait des longueurs et que le style était à certains moments plus lourd, qu'il y avait aussi parfois trop de métaphysique un peu compliquée à mon goût. 
En fait, mon sentiment à l'égard de cette partie est plus ambigu, car je l'ai à la fois beaucoup aimée et en même temps, certaines choses m'ont horripilée ou carrément laissée sceptique.

Le héros lui-même m'a pas mal agacée, dans son amour aveugle et inconditionnel pour sa bien-aimée, qui personnellement, m'a fortement déplu et m'a semblé folle du début à la fin. Et je me dis que si c'est effectivement ainsi que l'auteur avait désiré qu'on la perçoive, il a bien réussi !
On voit clairement qu'elle n'est pas amoureuse de Von Bek et qu'elle se sert de lui. De plus, son côté condescendant et supérieur envers lui et sa soumission, à lui, m'ont vraiment exaspérée, par moments, et je me demandais s'il allait enfin finir par réagir.

Les méchants, également, dans leur démesure et leur opiniâtreté, m'ont un peu lassée, à la longue.

Par contrastes, certains personnages secondaires sont très réussis et sympathiques dans leur normalité.


Le diable est un personnage très important de cette histoire, puisqu'il apparaît aux deux héros, pour leur donner à tous deux la même mission. Et j'ai beaucoup apprécié la vision qu'en donne l'auteur. Elle est très intéressante, car on est loin ici d'un diable fourchu et cornu et d'un enfer rempli de flammes. L'auteur le rappelle à plusieurs reprises : Satan est avant tout un Ange, même s'il est déchu. Et à ce titre, il est d'une extraordinaire beauté, presque insupportable aux yeux des humains.


Le thème de l'alchimie et de ses applications pratiques est très présente dans ce roman, mais l'auteur n'en donne pas une vision très positive ni glorieuse. Il montre même carrément ses adeptes comme étant dans l'erreur totale, juste assoiffés de pouvoir et remplis d'arrogance et il leur fait accomplir des rituels si horribles et chimériques qu'ils en deviennent ridicules et ne peuvent aboutir qu'à l'encontre totale de l'harmonie qu'ils prétendent apporter au monde.




Conclusion : Un premier tome génial, magnifique, écrit dans une langue sublime, qui me donne envie de découvrir tous les autres livres de l'auteur.
Une suite qui aurait mérité d'être plus courte mais qui, malgré quelques défaut, reste quand même une oeuvre baroque, magistrale et grandiose.

Ma note : 18/20




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