lundi 6 juin 2016

Les chemins de Katmandou

Auteur : René BARJAVEL
Editeur : Pocket
Parution : 1969
Nombre de pages : 315








De tous les coins de la terre, des garçons et des filles se mettent en marche vers Katmandou, la ville qui dresse ses deux mille temples au pied de l'Himalaya, à la frontière du Tibet. Que vont-ils y chercher ? L'illusion d'un Dieu plus proche ? La liberté de vivre comme ils veulent et de fumer " l'herbe " sans crainte de la police ? Pour la plupart d'entre eux c'est un voyage vers leur propre destruction... Jane et Olivier ont pris chacun un des " chemins " de Katmandou, peut-être parce qu'ils avaient été blessés dans leurs rapports avec leurs parents. Ces chemins commencent parmi nous et sans que vous vous en doutiez, l'un d'eux commence peut-être chez vous ! ...








Ce que j'en ai pensé


René Barjavel est un auteur que j'aime énormément. J'ai lu environ une dizaine de ses romans, et certains font partie de mes livres préférés de tous les temps. Cependant, j'avais un peu peur, avant de commencer celui-ci, car je n'avais rien lu de lui depuis quelques années. Or, chacun sait que les goûts changent en vieillissant, et je craignais de ne plus apprécier sa plume ou ses histoires. 
Je me faisais du souci pour rien, car j'ai beaucoup aimé ce livre !

Nous sommes en 1968, et le livre débute à Paris, au beau milieu des "événements". Les étudiants sont plein d'enthousiasme, de rêves et d'idéologies. Il croient qu'ils vont renverser la société et créer un monde nouveau, plus juste, plus fraternel.

Olivier est de ceux-là, jusqu'à ce que la fin des conflits et le retour à la normale le laissent terriblement déçu et rempli de colère. Il décide sur un coup de tête de partir à la recherche de son père, qu'il n'a pas connu, qui est richissime et qui vit, lui a-t-on dit, au Népal.

Tous les jeunes ne participent pas aux affrontements et aux grèves de mai 68. Beaucoup choisissent de partir au Népal, à Katmandou, dans l'espoir de vivre conformément à leur idéal d'amour universel et de liberté, comme c'est le cas de Jane et Sven.
Mais les occidentaux n'ont pas la même conception de la vie que les orientaux, et confondent trop souvent drogue et liberté.

 Jane et Olivier ont prit des chemins différents pour arriver à Katmandou mais ceux-ci finiront par se croiser, et cette rencontre bouleversera leur vie à tout jamais...


Ce roman est vraiment ancré dans son époque, puisqu'il date de la même année que les événements qu'il décrit, mais il se lit très bien, aujourd'hui. 

La plume de l'auteur est très belle, très poétique, mais ce n'est pas pour autant tout rose. C'est très réaliste, et certaines scènes sont assez dures. Les choses sont racontées telles qu'elles étaient, à cette époque. Et on sent que l'auteur éprouve beaucoup de peine pour tous ces jeunes qui sont allés de leur plein gré au-devant de leur destruction, en pensant trouver un paradis terrestre.

Il a très bien su capturer et rapporter l'ambiance et l'état d'esprit qui régnait à cette époque, que ce soit pendant Mai 68 à Paris, ou à Katmandou, quand il dépeint les rassemblements hippies dans ces grands squatts qui étaient autrefois les logements des thibétains ; la saleté et le dépouillement dans lesquels ils sont installés et que eux appellent "liberté", leur déchéance...

Les personnages sont très forts. Surtout Olivier, qui est vraiment plein de colère, pendant environ les 2/3 du roman. Cela le rend parfois un peu antipathique, mais en même temps, on sait les raisons de sa colère, donc on le comprend. Et puis les rencontres qu'il fait au fil du récit le transforment peu à peu.

Jane est très touchante par son innocence et sa fraîcheur, mais sa naïveté et sa passivité m'ont parfois agacée. Elle ne réfléchit pas par elle-même. Tout ce que dit Sven est forcément vrai et elle ne remet jamais rien en cause. Mais je pense que tout cela est voulu par l'auteur. Car à travers elle, il montre comment toute une partie de la jeunesse occidentale s'est laissée piéger en croyant que la drogue l'aiderait à atteindre ses idéaux de liberté et d'amour et n'a pas compris qu'elle les détruirait au lieu de les libérer.

Il y a également toute une galerie de personnages secondaires hauts en couleurs, très bien campés, qui, chacun à sa façon, traceront le destin de Jane et Olivier : le père et la mère d'Olivier, éternels ados dans des corps d'adultes ; Sven, une sorte de Jésus Christ, qui rejette en bloc la société et inculque à Jane que l'homme est fait pour être libre et aimer son prochain et que rien n'appartient à personne ; l'associé du père d'Olivier, escroc vicieux et lubrique...

J'ai beaucoup aimé la façon dont l'auteur parle de l'Inde et du Népal, et met en relief le contraste entre les deux pays. La misère, la surpopulation et l'apathie, la résignation des gens sont très fortement rendus pour l'Inde, alors qu'au Népal, on les sent plus paisibles, plus heureux de vivre même s'ils ne sont pas plus riches. 

Il est beaucoup question de spiritualité, puisque les dieux ont une grande place, dans ces pays, et qu'il y a d'innombrables temples. Les populations intègrent ces divinités à leur vie courante, elles font partie de leur famille. Les gens leur parlent, leur font des offrandes quotidiennes, les caressent en passant... Il y a énormément de fêtes religieuses, pour presque toutes les occasions, et de processions vers les temples et les statues sacrées. 

L'histoire est captivante, prenante, on a envie de savoir ce qu'il va arriver aux personnages, où l'auteur va nous conduire, est-ce que tout va bien finir ? Car on sent bien que les choses s'accélèrent au fil des pages, que le destin est en marche, et on espère de toutes ses forces que tout va bien se terminer pour nos deux héros.

Et en même temps, l'écriture est tellement magnifique, si poétique (j'avais sans arrêt envie de noter des phrases pour m'en souvenir) qu'on est comme porté, bercé par elle. Il y a des moments d'une beauté et d'une magie incroyables !

C'est très étrange, comme mélange : avec une autre plume, cette histoire pourrait être très dure mais avec le talent de Barjavel, elle devient belle à la façon des grandes tragédies grecques, triste mais éclatante de vie et de lumière.


Conclusion : Un roman de Barjavel différent des autres, beaucoup plus réaliste, mais époustouflant de beauté.


Ma note : 17/20





1 commentaire:

  1. j'aime beaucoup Barjavel, mais je ne connaissais pas du tout ce titre là.

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